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Laïcité : des promesses aux actes, vite !

par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République - 25 septembre

Assez du hold-up de l’extrême-droite sur la Laïcité. Assez de cette instrumentalisation qui vise à retourner contre les musulmans, et désormais les juifs, cette loi fondamentale du vivre-ensemble. L’extrême droite si souvent confondue avec les courants les plus intégristes de l’Eglise n’est franchement pas la mieux placée pour défendre la clé de voûte de la République qu’elle n’a eu de cesse de combattre tout au long de son histoire.

La Laïcité fonde la citoyenneté, la liberté et l’égalité des droits et des devoirs de tous les citoyens quelles que soient leurs origines et croyances, c’est-à-dire le contraire de l’idéologie d’extrême droite. Elle constitue l’outil essentiel qui doit permettre de rendre toute la pertinence à la citoyenneté et sa force à la République quand se déchire de plus en plus profondément le tissu social et culturel.

Ce "casse du siècle" sur le joyau de la République n’a été rendu possible que par la confusion des idées, les accommodements avec les communautarismes, les tergiversations, les reculs, les trahisons de la laïcité, accumulés au fil des dernières années, par la droite et aussi, malheureusement, parfois par la gauche.

Il y a moins d’un an, nous dénoncions la politique du président Sarkozy qui malmenait la laïcité, la vilipendait, la détournait. Souvenons-nous des velléités de "toilettage" de la Loi de 1905, des propos sur la "laïcité positive" qui ne visaient qu’à la vider de son contenu, des discours de Latran et de Riyad qui plaçaient l’instituteur en-dessous du prêtre en matière d’enseignement de la morale, de la loi Carle et des nouveaux financements publics à l’enseignement confessionnel, de la circulaire Guéant créant des conférences départementales de la liberté religieuse et institutionnalisant de fait les autorités religieuses dans la vie publique, du vrai-faux débat sur l’identité nationale, de la reconnaissance des diplômes universitaires du Vatican, des reculades du gouvernement Fillon face au lobby clérical sur la bioéthique et le droit à mourir dans la dignité.... Une énumération sans fin digne d’un poème de Prévert !

Il était temps de mettre un coup d’arrêt à ces dérives, d’autant que l’extrême droite, exploitant les peurs, avait déjà lancé une première offensive pour essayer de mettre la laïcité au service d’une idéologie anti-immigré.

C’est pourquoi nous avons soutenu le candidat Hollande qui, tout au long de la campagne, a trouvé les accents pour renouer les liens entre la laïcité et cette partie de la gauche qui, depuis des années, tergiversait avec le communautarisme. Ses engagements étaient clairs :

inscription dans la Constitution des principes de la loi de séparation des églises et de l’Etat, afin que celle-ci - notamment son article 2 qui stipule que la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte - trop souvent contournée, soit appliquée ;
abrogation de dispositions de la loi Carle mettant à parité les financements publics entre écoles publiques et privées alors que plus de 500 communes sont sans école publique !
abrogation de dispositions de l’accord sur la reconnaissance des diplômes universitaires du Vatican.

Là-dessus est arrivée cette sinistre affaire d’inscription du concordat dans la Constitution. Comme s’il s’agissait de faire du fifty-fifty, un coup pour les laïques, un autre pour le lobby catho ! C’est peu dire que toutes les associations laïques se sont retrouvées pour dénoncer cette idée saugrenue qui est de nature non à apaiser le débat, mais bien au contraire à rallumer de vieux démons, plaçant sous les pas du Président une véritable bombe à retardement.

On imagine mal la gauche au pouvoir réaliser ce que l’ancien Président n’a pas osé rêver, fût-ce en se rasant : la constitutionnalisation du concordat ! On imagine mal quelle majorité politique voterait une telle réforme. Aussi, afin de trouver une issue positive à ce qui pourrait devenir une crise dans le style de celle de 1984 sur l’école qui fit trembler le jeune pouvoir mitterrandien, nous avons proposé, avec le "Collectif laïque" (rassemblement de 19 associations laïques), la mise en place d’une commission parlementaire chargée de finaliser les conditions d’une transition concertée et graduelle en vue de l’application de la loi de séparation à tout le territoire national.

Le nouveau président a réaffirmé à plusieurs reprises et avec fermeté son attachement à la laïcité. Cent vingt jours après l’élection présidentielle, trois mois après les législatives, il devient urgent de passer des promesses aux actes. Pour la République et la paix sociale mais aussi pour ces peuples qui sur l’autre rive de la Méditerrannée sont engagés à ce que le printemps arabe ne se transforme pas en hiver islamiste. Comment ne pas penser à cette Tunisie, phare de la liberté des femmes dans le monde arabo-musulman, où la prochaine constitution pourrait bien institutionnaliser des droits inégaux pour les femmes et pour les hommes. L’exemple de la République française vaut au-delà des frontières de l’Hexagone. La laïcité n’est pas franco-française. Elle est un message de fraternité adressé à tous les peuples.

Evoquant les tensions liées à la publication de caricatures par Charlie hebdo que certains accusaient de "jeter de l’huile sur le feu", un éditorialiste déclarait que le problème ce n’est pas l’huile, c’est le feu.

Le temps est venu d’une laïcité en actes.

Patrick Kessel
président du Comité Laïcité République

 Lien : http://www.laicite-republique.org

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