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L'AFFAIRE POLANSKI : La quasi unanimité condamnable des gens d’en haut

Certes Roman Polanski est un grand metteur en scène, certes il a souffert au-delà de ce qui peut être toléré par un être humain, mais est-ce une raison pour en oublier le pourquoi des poursuites dont il est l’objet de la part de la justice américaine et les propos qu’il a tenus montrant son absence de regrets ?

Il ne s’agit pas ici d’entrer dans le fond de l’affaire mais de décrypter ce qui saute aux yeux. Dès qu’il en a eu l’opportunité, c’est-à-dire après avoir plaidé coupable et avoir été remis en liberté, Polanski a décidé d’échapper à la suite de la procédure judicaire déclenchée par ses actes. A travers les déclarations que l’on entend de sa propre bouche à l’époque, au lieu de reconnaitre sa responsabilité en tant qu’adulte ayant pour le moins abusé de son autorité et de son prestige vis-à-vis d’une fillette de 13 ans ne l’oublions pas, c’est toute l’Amérique hypocrite et pudibonde qu’il met en accusation puisque, dit-il dans ce pays avoir des relations sexuelles avec une jeune fille en dessous de 18 ans est interdit, donc, ajoute-t-il, logiquement tous les Américains devraient être en prison !

Le temps ayant passé la victime souhaite oublier cette « affaire. Alors faut-il vraiment être plus royaliste que le roi ? On nous la montre d’ailleurs dans sa vie d’aujourd’hui, histoire de gommer l’image de la fillette un peu trop jolie et pimpante qu’elle fût, la quarantaine apparemment épanouie, mariée, trois enfants. Bref, normale, non ? Sans se l’avouer à eux-mêmes, et sans doute parce qu’il y a au fond de la plupart des personnes qui commentent cette l’affaire un sentiment de malaise, chacun a envie de se raccrocher à l’idée que la « petite » s’en est sortie sans trop de séquelles. Il n’y avait qu’à écouter Xavier Bertrand à Europe.1, cherchant à échapper aux critiques des auditeurs qui s’indignaient de la position officielle et sans nuances prise par deux ministres : celui de la culture et des affaires étrangères et se raccrochant à la position de la victime comme à une buée de sauvetage.

Monsieur Bertrand, vous, et tous les autres, qui - sans aller aussi loin que les Mitterrand, Kouchner, Lang et autres gens d’en haut – croyez que la volonté d’oubli de la victime fait la loi, vous devriez savoir que la justice a sa propre logique, car elle se doit de penser, au-delà d’un cas individuel, à la protection à apporter à toutes les victimes passées, présentes ou à venir.

Nous rejoignons totalement la position du Collectif Féministe Contre le Viol qui « s'indigne  de voir des politiques et des journalistes banaliser des viols  commis sur une fillette de 13 ans en parlant de "relation" avec une adolescente ...et rappelle qu’une de ses revendications majeures est de faire disparaître la  prescription pour les crimes aux personnes, et plus particulièrement les viols. Il va de soi que les viols sur mineurs font évidement partie de cette revendication ». Le CFCV rappelle que, « aujourd’hui en France, pour les personnes qui ont été  violées dans leur enfance avant 1979, plus aucun recours de  poursuites contre le criminel n’est possible, du fait de la prescription.  Il n’en va pas de même dans tous les pays. Ainsi, Etats-Unis, Canada, Angleterre, Suisse … ont trouvé d’autres solutions que la prescription définitive, fermant après des années le droit pour les victimes de viols de faire appel à la justice.  Le collectif a lancé une pétition contre la prescription, voir sur leur site www.cfcv.asso.fr )

Pouvons-nous dénoncer les systèmes patriarcaux- religieux qui émettent des fatwas permettant le mariage avec des enfants de 9 ans et ne pas dénoncer un abus de pouvoir d’un adulte sur une fillette de 13 ans sous des prétextes esthétiques ? Pouvons-nous faire injure à une justice qui applique les principes des conventions des Nations Unies sur les droits de l’enfant en admettant l’excuse de le souffrance personnelle de celui qui a commis le crime ? Toutes les histoires de viols, d’inceste ou de violences sexuelles, ne recouvrent-elles pas aussi la souffrance de celui qui les commet ?

Nous avons encore une fois la preuve que « la cause des femmes » se heurte à deux écueils : dans les sociétés avancées à une compréhension de type esthétique ou compassionnelle à l’égard de celui qui a commet un acte de violence à leur égard, sorte de résidu des temps passés malgré les avancées de la loi, et dans les sociétés traditionnelles à l’inscription dans la loi du droit patriarcal de faire ce qu’il veut avec les femmes.

Naturellement on ne saurait mettre sur le même plan les deux situations, mais de notre cohérence dépend notre crédibilité quand nous critiquons les autres !

Annie Sugier,

Présidente de la LDIF

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6 place Saint Germain des Près 75005 PARIS France