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Des leçons à tirer de la victoire d’Obama

Ne boudons pas notre plaisir. Bravo l’artiste venu de nulle part qui soudain débouche dans une campagne, bouscule ceux qui s’étaient préparés de longue date, pour les coiffer au poteau.

« Qu’importe aujourd’hui si le jeune président élu, même s’il s’est étoffé politiquement en fin de campagne, n’en est pas à un flou ou à un revirement près. Qu’importe aussi si chaque épisode de la mise en scène de ce « rêve américain » électoral a été ciselé par le maître en communication David Axelrod, Pigmalion du candidat Obama : le message était là. Et ce message qui parle de « valeurs » et d’ « unité des peuples » était nécessaire à une Amérique meurtrie » (le Monde du 6 novembre, supplément consacré au président élu).

Pourtant en tant que féministe nous aurions de quoi être amères. Le pouvoir se conjugue encore et toujours au masculin, même si la couleur de peau change.

Mais au moins Obama, malgré le flou de ses discours, était sans ambigüité sur la question du droit à l’avortement. Paradoxalement c’était une femme, Sarah Palin, la colistière de McCain qui portait haut et fort le message de tous les intégrismes. Allant jusqu’à déclarer ne pas être sûre que les actions violentes contre les cliniques pratiquant l’IVG – meurtres de médecins, bombes soufflant les locaux et blessant ou tuant du personnel – pouvaient être qualifiées d’actions terroristes.

Autre bizarrerie, alors qu’il s’agit pour l’humanité et pas seulement pour les femmes d’un thème majeur, ce sujet qui divise toujours profondément la société américaine est cependant « jugé « sans importance » dans cette élection par 37% des personnes interrogées pas l’Institut Gallup » ! (Adèle Smith, dans le Monde du 28 octobre).

Première leçon mais qui n’est pas une surprise pour nous les féministes, mieux vaut porter au pouvoir un homme qui défend les acquis fondamentaux des femmes, qu’une femme qui déclarer vouloir les piétiner.

Je salue aussi l’artiste comme modèle pour les opprimés quel que soit leur sexe. On l’a dit et répété, la force d’ Obama a été de ne pas se présenter comme le candidat des minorités. En cela il a été servi pas son histoire personnelle qui n’est pas celle des Noirs issus de l’esclavage et de la ségrégation. Orlando Patterson, professeur de sociologie à l’université Harvard du Massachussetts, interrogé par le journal le Monde du 15 octobre insiste sur le fait que « Obama est le résultat de l’entrée massive de Noirs sur le territoire américain depuis cinquante ans. Or, ceux qui ne sont pas des Africains-Américains historiques réussissent socialement souvent mieux » Il rappelle la méfiance des leaders noirs traditionnels à l’égard d’Obama qui ne faisait pas partie de la « bande ». Et de citer une anecdote révélatrice :
« Lorsque Obama évoque le comportement déplorable de tant de pères Noirs qui abandonnent femmes et enfants, c’est insupportable pour les dirigeants noirs traditionnels. Pas parce que c’est faux, mais parce qu’il en parle publiquement. Pour eux, critiquer les siens constitue un acte de déloyauté inadmissible. C’est pour ça qu’au début, le révérend Jesse Jackson dit sans savoir qu’un micro est branché : « On va lui coupes les c… ». Comment peut-on s’améliorer si on refuse de parler de ce qui ne va pas ?

Deuxième leçon de la victoire d’Obama, pour avancer il faut oser reconnaître, au-delà des blessures infligées par l’histoire, ses propres responsabilités. Le rappel permanent des horreurs du passé détruit en premier l’opprimé qui devient incapable de s’améliorer. La victoire aide à oublier. Elle est la meilleure des thérapies. Le révérend Jackson a pleuré le soir des résultats devant les caméras du monde entier, des larmes qui étaient à la mesure de l’humiliation d’un passé qui avait failli anéantir ses rêves. Comme le note Orlando Patterson :

« Obama a contourné l’obstacle. Aujourd’hui, les dirigeants noirs sont tellement enthousiastes à la seul idée qu’un Noir soit élu président qu’ils en oublient leurs griefs ».

Certes Obama n’est pas élu simplement du fait de la couleur de sa peau dont il n’a pas voulu faire un argument. Mais comment ne pas reconnaître que tous les Noirs ne peuvent qu’être bouleversés de joie en se disant que cet homme là est Noir ?

Et c’est la troisième leçon : la force du symbole. C’est cela que nous féministes voulons dire à nos amies femmes ou hommes qui ne comprennent pas pourquoi nous attachons de l’importance à ce qu’un jour une femme atteigne le poste suprême du pouvoir. Nous ne voulons pas une femme n’importe laquelle, quelles que soient ses idées, une Sarah Palin par exemple - nous voulons une femme qui porte l’essentiel de nos idées- peut-être s’il le faut avec juste le même flou que Barak Obama - Or ces femmes sont là sous nos yeux chez nous, ailleurs aussi. Et nous le voulons car dans l’histoire du mouvement des femmes vers leur libération, le fait de réussir à se hisser à ces niveaux est une nécessité pour dépasser le passé.

Annie Sugier

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